ENTRETIEN DU DOCTEUR RICHARD AVEC UN JOURNALISTE DE REFLEX OSTEO
Mal au dos ? Les anti-inflammatoires sont très largement prescrits aujourd’hui en première intention par de nombreux médecins.
Effets secondaires, inefficacité, dépendance, dangerosité… Il est peut-être temps de passer à des méthodes plus naturelles pour soulager votre mal de dos…
"Ne vous précipitez pas sur les antis inflammatoires ! » C’est le sens du message que nous donne Denis RICHARD, ostéopathe et médecin généraliste depuis 40 années.
Il a accepté de nous donner ses conseils sur la prise d’anti inflammatoire en cas de mal au dos.
Pour l’immense majorité des médecins, la solution au mal au dos reste aujourd’hui le traitement médicamenteux. Qu’en pensez-vous ?
Avec un esprit ostéopathique et pour mieux comprendre, il nous faut remonter à la source du problème :
Une personne, que nous appellerons « le patient » ressent un désagrément, la douleur, qui le gène et l’inquiète. Plus ou moins rapidement (selon son intensité, son mode d’installation, l’état d’esprit du patient …) il consulte son médecin avec ce message « je ne veux plus avoir mal, rapidement ».
Le médecin est quelqu’un qui ne possède comme seul moyen d’action que ses ordonnances :
L’ordonnance de traitement vis-à-vis d’une plainte qui concerne une articulation (quelle qu’elle soit) est toujours l’association de trois lignes de médicaments :
Or le patient, le plus souvent, possède des antalgiques et les a déjà utilisés avant la consultation (ils ne suffisent donc pas) ; les décontracturants ne sont plus remboursés « faute d’avoir prouvé leur efficacité » !!! ... il ne reste donc que les anti-inflammatoires qui sont, d’ailleurs, très efficaces sur la douleur et répondent donc à la demande initiale du patient. Tout cela devant être fait en 10 minutes, en plus.
Si cela suffit, le patient ne revient plus, l’affaire semble réglée … jusqu’à la prochaine fois.
Si cela ne suffit pas, on augmente la puissance du traitement et/ou on se livre à des examens pour mieux comprendre. Selon les résultats, on adresse au spécialiste (rhumatologue ou chirurgien) ou au kiné, voir au podologue. Certains médecins « qui y croient » pensent, de plus en plus à l’ostéopathie.
Voilà l’état de la situation classique.
A la vue de votre longue expérience de médecin généraliste et ostéopathe, quel traitement tire les meilleurs bénéfices pour une lombalgie ?
Je viens de rappeler l’approche médicale classique. Elle s’applique à la lombalgie mais aussi à toutes les -algies (douleur) ; cervicalgies, dorsalgies …
L’approche ostéopathique est différente : la douleur n’est pas le problème en soit mais le signal. Il m’arrive souvent de dire « quand on a la chance d’avoir mal », un peu provocateur, je veux dire que c’est une chance que le corps vous prévienne qu’il se passe quelque chose d’anormal, a priori néfaste et qu’il n’arrive pas à gérer lui-même. La douleur n’est pas proportionnelle à la gravité : Un grain de sable sous la paupière est immédiatement douloureux, un cancer met des mois à l’être, malheureusement.
La douleur a le bon gout de nous alerter et de nous décider à réagir, la supprimer est à la fois confortable et dangereux.
Donc, pour moi, il n’y a pas de traitement de la lombalgie qui soit valable, mais, face à une lombalgie, il faut un examen complet de la personne suivi d’un traitement de la raison pour laquelle la douleur s’est déclenchée.
A titre d’exemple, vous pouvez trouver des raisons aussi différentes que des troubles oculaires, de la posture, du bassin et des membres inférieurs etc., (pour ce qui est du ressort ostéopathique) que de la constipation, différents cancers et leurs métastases, coliques néphrétiques ou hépatiques etc. (pour ce qui est du ressort plutôt médico-chirurgical).
La meilleure des attitudes est préventive :
A l’occasion d’une épisode douloureux parfois, faire une approche générale ostéopathique suivie de rendez-vous systématiques, environ trois fois par an avant d’avoir mal. Les mutuelles ne s’y trompent qui remboursent en moyenne trois consultations par an, ce qui leur coutera moins cher que la prescription de médicaments, arrêts de travail, opérations, rééducation, reclassement professionnel …
Dans quels cas de figure la prescription d’anti inflammatoires reste indispensable ?
Pour une meilleur compréhension, il faut rappeler ce qu’est l’inflammation :
c’est un ensemble de réaction du corps face à une agression, cette agression peut être très variée (épine dans la peau, grain de sable dans l’œil, traumatismes diverses dont les plaies les fractures , maladies, cancers, infections dont le covid etc. ) et cela se traduit par quatre signes dits cardinaux : douleur ,chaleur, tuméfaction et rougeur. L’inflammation est donc une réaction naturelle et souhaitable du corps agressé. Cependant, il arrive que cet effet bénéfique se retourne contre le corps, par exemple la douleur est si intense qu’elle perturbe toute la vie de la personne, l’empêche de dormir …
L’industrie pharmaceutique a donc mis au point des médicaments dont le rôle est de limiter, voir d’arrêter ce processus selon la dose employée. L’effet est saisissant sur la douleur mais aussi sur tout ce mécanisme de défense qui donc devient plus vulnérable à l’agression et à toute autre agression par exemple une infection à COVID.Sans compter une toxicité , inhérente à tout traitement qui peut, dans le cas des anti-inflammatoires, atteindre l’estomac, les reins et la coagulation (risque d’hémorragie)
Pour répondre à votre question et après ce qui vient d’être dit, les anti-inflammatoires , associés au repos , ne devraient plus être prescrits que face à une maladie inflammatoire prouvée ( prise
de sang : vitesse de sédimentation et CRP élevées + radios caractéristiques).Et là , le rapport bénéfice/risque est positif.
Peut-il exister une complémentarité entre l’ostéopathie et les médicaments pour lutter contre le mal au dos ?
Oui, on ne peut pas se priver d’aucun outil mais l’utilisation , en pourcentage, devrait être inversée : l’effet décontractant de certaines diazépines (massage chimique) , les antalgiques chez
certains patients tellement douloureux qu’il faut diminuer la douleur avant de les traiter, peuvent être utiles ,dan ces cas les médicaments aident le travail de l’ostéopathe .
Dans d’autres cas, c’est le travail ostépathique qui aide le traitement médical dans une maladie rhumatologique ( par exemple , si un coté ou une grosse articulation sont enflammés, l’ostéopathe soigne l’autre coté qui subit une surcharge et ne peut se permettre d’être bloqué).
Selon vous, quelle pourrait être la stratégie thérapeutique « idéale » à adopter dans le cas d’une lombalgie commune ?
Si elle est aiguë , traiter la lombalgie en une ou deux séances d’ostéopathie.
Si cela ne suffit pas , le patient est peut-être bloqué par un autre problème à trouver et traiter, donc revoir le problème d’une façon plus médicale avec prescription de radiologies adaptées au problème.
Si cela suffit , revoir le patient , à distance , pour une étude posturologique à la recherche de facteurs déclenchants avec souvent consultation podologique, orthoptique et/ou odontologique .
Proposer au patient le traitement des causes , s’il y en a , et une surveillance ostéopathique régulière de deux à quatre fois par an.
Quel message souhaiteriez vous faire passer auprès du corps médical et/ou des ostéopathes ?
Nous sommes complémentaires et non concurrents. Travaillons ensemble , chacun dans sa partie avec des échanges et une meilleure connaissance des possibilités et des limites de
l’ « autre » et cela pour le plus grand bien de nos patients.
Et peut-être un dernier message pour nos patients qui souffrent du dos ?
Il n’y a pas de douleur normale , toute douleur sous entend un problème qu’il faut trouver et traiter et non pas supporter ou cacher par un médicament. Il y va souvent de la qualité de la vie qui suit , parfois de la vie elle-même.
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